La vannerie est un autre de ces arts séculaires, que l’humanité se partage, où d’improbables découvertes simultanées et de profonds brassages ont diffusé à travers monde. Sans doute l’une des pratiques les plus emblématiques, elle en est aussi l’un des fondements les plus anciens de l’histoire de nos îles et de leurs épaisseurs culturelles.
Production et origine
L’art de tisser les fibres végétales n’est pas circonscrit à nos îles, tant s’en faut, mais y porte une importance immense : avant même la naissance de la société antillaise créole se retrouve le savoir-faire. Sur ces îles précolombiennes, l’on entrelace donc depuis longtemps : déjà se forment sous les mouvements habiles des Amérindiens, des Caraïbes, des objets usuels, confectionnés à partir de filaments savamment récoltés. Durant la colonisation, la vannerie se conserve en héritage flou de ces premiers habitants, s’enrichit d’autres modes de tressage et nourrit encore l’artisanat local.
Éminemment utilitaire, la « sparterie » ne semble limiter ses réalisations qu’aux inspirations et habilités de ses fabricants : paniers, plateaux, corbeilles, protections de carafes, chapeaux bakoua de mer ou de champ et parfois même, lorsque la technique investit les ateliers d’ébénistes, fonds de chaises ou de fauteuils à bascule.
Les techniques ancestrales
Dans la pratique, deux champs immenses se rencontrent : le premier du dessin et du style d’enchevêtrement, le second de la matière première. Dans le premier cas, spiralée, tressée, à nappe, clayonnée, la vannerie, pour être un artisanat monde, s’est développée sur une infinité d’entrelacements et de méthodes. Ici compteront la tension, la pression appliquée, le nombre de brins et l’écheveau découpé, pour adapter à l’usage la meilleure composition, de la corbeille étanche au panier de transport de charge.
Pour ce qui est de la matière, c’est une variété de plantes qui se laissent enrouler. En Martinique et en Guadeloupe , les fils sont souvent issues de feuilles de bakoua, de latanier, de palmier : l’aroman et le cachibou cependant, restent les maîtres-tiges pour l’exercice précis de la vannerie antillaise. Parfois, et suivant les usages, d’autres végétaux se prêteront bien au la torsade, où l’osier, le rotin, la paille, les lianes ou le bambou constituent, selon la disponibilité, de fameuses bases de travail. Là, un savoir bien particulier indique au facteur les bonnes techniques de ceuillette et de séchage de ses trouvailles.
Quant aux porteurs de la tradition, ils se perdent loin dans les limbes de l’histoire et des pratiques quotidiennes : art de femmes, il aura permis de compléter, sinon de former l’ensemble des revenus d’une population précaire. Art rural, il est aussi celui des pêcheurs et agriculteurs, où les intersaisons creusent les bourses et le ventre.
La vannerie antillaise s’esthétise souvent : teintées, les fibres s’entremêlent pour construire de précises compositions angulaires. Les œuvres s’augmentent de tonalités chaudes, en alternance de beige, de noir profond, obtenu au cul du canari posé au feu ou de rouge intense, lorsque frottées à la puissante poudre de roucou.
Aujourd’hui, un patrimoine immatériel ardemment défendu
Il est aussi des replis de terre, des quartiers des familles que l’on associe bien volontiers à cette pratique immémorielle : à la Martinique, c’est évidement au Morne des Esses que l’on songe, au creux duquel s’est développée, forte de l’abondance de sa matière première, une intense activité de vannerie.
Aujourd’hui, cet artisanat s’est imposé au registre des héritages immatériels unanimement reconnus, de ceux qui composent le paysage culturel et identitaire d’un peuple et de son terroir. Ses défenseurs sont passionnés, leurs créations inspirées : paniers, plateaux, corbeilles, récipients étanches ou colorés trouvent encore un usage autant traditionnel que militant dans les intérieurs antillais.
Texte : Corinne Daunar