Les navires marchands venant de Bordeaux et Marseille apportaient dans les îles, à l’abri de leurs cales ventrues, diverses marchandises parmi lesquelles des jarres fermées par des couvercles en bois et remplies d’un liquide doré très recherché: l’huile d’olive.
La glaçure ou émail nommé alquifoux, un enduit vitrifiable au sulfure de plomb qui les rendait étanches sera interdit en 1950 en France, du fait de sa toxicité.
LEURS ORIGINES
Elles sont fabriquées dès le XIVe siècle, dans des villages provençaux tel celui d’Aubagne dont nous avons gardé l’appellation en Créole « Daubann » ou « Dobann », désignant ces jarres et celui de Biot un important centre de production de ces jarres jusqu’au XVIIe siècle. De Bordeaux, on importe les « canaris », marmites en terre chères à la confection des plats créoles et diverses « formes à sucre ».
DES SECRETS TRANSMIS DE PÈRES EN FILS
Sous leurs cols, les jarres sont estampillées des marques du fabricant, du propriétaire et sont parfois ornées de symboles religieux, tel celui du Chrisme Bernardin, protégeant hommes, réceptacles, marchandises.
D’une douzaine de tailles différentes elles peuvent contenir de 60 à 150 litres.
Une fois vides elles ont une seconde vie, un recyclage avant l’heure : garde-manger pour la viande salée ou réservoir d’eau fraiche. Placées près des cuisines, dans des « cases à eau », parfois noyées dans de la maçonnerie, elles reçoivent l’eau de pluie par une gouttière.
Le précieux liquide est filtré par un tamis ou au travers d’une pierre à eau creuse et poreuse, placée sur un socle et puisé avec une longue louche en fer « la chassepagne ».
PRODUCTION LOCALE
Du fait des nombreuses casses en mer et des délais incertains, les sucreries bâtissent leurs ateliers de fabrication de poteries (livrées à bord de canots à rames), près des rivages. On y produit « Terrailles » et « Formes à Pain de Sucre », dans lesquelles on verse le sirop brûlant avec un « Bec de corbin » en cuivre.
En 1748, la Guadeloupe recense sept poteries. En 1760, à Terre-de-Bas, la renommée Fabrique de la Grande Baie, compte six tours de potiers.
Quarante ans plus tard, il y a en Guadeloupe une trentaine d’unités, dont une à la Baie de Marigot, à Terre-de-Haut. A Trois-Rivières on fabrique des réchauds à charbon de bois, copies des réchauds Africains.
Ces nombreuses extractions font apparaitre dans le paysage, de nombreuses mares.
LA FABRICATION
La terre est broyée dans un petit moulin actionné par un cheval ou un âne, ou répandue sur une table reposant sur des rondins. On l’écrase debout, à l’aide de lourdes barres métalliques, on arrose les mottes, on les tamise, on fait décanter la terre dans des bassins, avant de la malaxer. Avec des tours à manivelle on forme les pièces que l’on place dans des fours aux intérieurs tapissés de briques réfractaires.
La légende prétend qu’en périodes de troubles, les colons utilisaient leurs « Dobann », pour y cacher leurs biens les plus précieux qu’ils enterraient ensuite sur leurs propriétés.
Ces jarres autrefois si populaires, sont désormais de plus en plus rares. Certaines d’entre elles ornées de fleurs, se font décoratives égayant les jardins ou les terrasses de quelques propriétaires chanceux.
Texte & Photos : Angel St Benoit