Pour ce tour d’horizon, c’est à la loupe que le bâti antillais s’observe, où le sucre de chaque détail donne à l’ensemble sa grandeur et son élégance. Bouton de porte, rond de rampe, gouttière esquissée, balcon forgé, fenêtre sculptée : plongée dans le monde curieux du clin d’œil et du beau dérobé, où la décoration et l’esthétisme discret transcendent le pratique.
L’histoire au détail
Du carbet précolombien aux majestueuses maisons de maître, singulières cases créoles ou élégantes maisons de ville, les chapitres principaux du logement antillais esquissent une palette unique, celle de l’architecture créole. Et au creux de cette histoire longue, il est aussi une observation fine, ténue, moins immédiate : c’est celle du détail, qui recouvre une réalité aussi vaste qu’insaisissable. Pourtant il est incontournable pour comprendre plus avant les modes d’habiter et les astucieuses adaptations des foyers aux besoins de l’époque, qu’ils soient utilitaires, esthétiques ou politiques.
Notamment, dans le logis bourgeois, colonial, le recours à l’ornementation est savamment distillé pour donner profondeur et éclat à la maison, qui sert autant à la vie qu’à l’exhibition de l’aisance et de l’élégance, pour se faire voir, le plastron de la fortune, la richesse ciselée au corps de bâti. Les finitions, en tant qu’elles deviennent souffle artistique, sous l’œil taquin d’un artisan créatif, apparaissent à mesure. Dans l’habitat populaire, rural, au creux de l’iconique case créole, c’est réduit à son expression la plus simple, celle de l’utilitarisme, que le détail se singularise.
L’intérieur complexe
Dans cette chasse à la sophistication, il faut d’abord plonger au creux des demeures, où s’enrichit à mesure d’ajouts l’espace intérieur. Dans nos îles créoles, il est déjà question de matière, dans laquelle s’épaissit l’importance du détail : bois précieux, pierre rare, métal coûteux investissent les plus exigues parties du bâti, le hors champs et le second plan : ici un bouton de porte ouvragé ou nacré, là un dallage aux légères incrustations en damier, plus haut le lattage affiché à dessein d’un second niveau.
D’autres détails se cachent dans les volumes plus imposants. Parfois, la rampe d’escalier, délicatement tournée et finement ciselée, enroule en une myriade d’ornements imperceptibles, l’accès aux étages supérieurs. Dans cet intimité, notamment dans les demeures bourgeoises, nombreux sont les détails discrets, par moment volontairement épurés, à construire, à petits pans, l’âme entière de l’habitat créole et insuffler cet unique art de vivre. Pourant, et c’est sans doute là sa puissance: l’intérieur créole est souvent très sobre, où tentures pesantes, papier peint exubérant et larges cheminées aux lourds trophées sont absents du commun.
Le clin d’œil dans le grand champ
Et puis, en réponse à un en dedans discret, s’épanouit dans le grand champ de l’extérieur, le détail en tant qu’il dessine précautionneusement un contour, un profil unique de l’architecture créole. Il y la toiture, et ses finitions originales, où se cisèlent en dentelles les longues frises créoles. Il y a aussi les menuiseries et ouvertures qui bénéficient de toutes les attentions, soins et dessins ingénieux ; entre les chiens assis, les fenêtres montées en persiennes astucieusement amovibles, et les impostes ajourées. Enfin, le savoir du fer forgé, qui s’épanouit incroyablement sur les balcons ou vérandas produit un style inimitable, que le relief de la feuille frappée et des genres mélangés exalte dans un ensemble. La galerie elle, voit parfois ses piliers façonnés, maçonnés ou taillés, en une chaleureuse revendication esthétique.
Et dans son acception moderne, cette tradition du détail continue de transcender le contour des villas créoles : les jalousies finement travaillées, les iconiques frises créoles, les charpentes qui paraissent flotter et portent encore en elles l’art subtil de construire aux Antilles.
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Crédit Photos CD, Fondation Clément Col. L.Hayot