To to to! Il y a du monde ? Bonjour madame ! Bonjour « pitit a manman ». Alors qu’est-ce qui te fallait ? Une demie livre de margarine, 4 morceaux de morue salée et 1 morceau de savon s’il vous plaît. J’ai combien pour vous madame ? 12 francs. Merci madame, au revoir madame.
Regarder un enfant sortir de sa poche son petit bout de papier, le voir le déplier avec délicatesse, puis se mettre sur la pointe des pieds afin d’être à la bonne hauteur, me rend chaque fois joyeuse. J’aime l’écouter lire sa liste avec sa petite voix d’enfant. J’aime ce regard curieux mais innocent, cherchant à savoir ce qui se passe sous ma petite robe de bois. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est d’entendre les marques de politesse.
Eh oui ! Je me souviens de l’époque où je ne passais pas inaperçue. Ma robe de bois était simplement décorée mais toujours bien achalandée. Tout le monde dans le quartier y trouvait son compte : du bonbon arlequin pour les enfants aux lots de pois rouge et lots de farine pour les plus grands. Je rigolais tellement quand la mamie toquait sur mes planches de bois avec sa pièce de 2 francs, tout en criant à ma propriétaire « vin vann » !
Vous l’avez compris, ma propriétaire est une tenancière. Elle les connaissait tous. Et quand parfois ils ne pouvaient pas payer leurs commissions, c’était « ti zafè sa » ! comme disait ma propriétaire. Combien de fois je l’ai vue prendre son cahier de compte et noter simplement le nom et la somme due en rouge pour ne pas se retrouver » konkonb san grènn ». Alors, ils pouvaient repartir avec leurs petits lots de telle ou telle chose. Je n’étais pas la seule kazkreyol à avoir vu et vécu ceci. Nous étions nombreuses à aider les familles guadeloupéennes. Nous nous sentions vraiment utiles et essentielles car solidarité et entraide n’étaient pas que des mots. Je suis Man Wowo de kazkamo, mais beaucoup m’appelaient, « LOLO ».
Texte : Olivier Gripacus – Illustration : LifeisDzign