Sur la commune de Capesterre-Belle-Eau, à quatre cent mètres d’altitude au pied du Morne Ségur, cet étang peu fréquenté est alimenté par la ravine de la Grande Chasse. Bordé de palétuviers jaunes, de joncs, profond de sept mètres et abritant trois îlets, il s’étend sur un hectare et demi. L’endroit, peu ensoleillé est à six cent mètres du Grand Etang, plus connu, entouré d’une végétation d’acomas, de bambous, de gommiers et de pommes-roses, nommé par les Caraïbes « Grand’Eau de la Montagne », où l’ambiance est mélancolique, mystérieuse, parfois pesante.
AN TAN LONTAN
Ces bois étaient habités par de merveilleux oiseaux dont les plumages rehaussaient les feuillages de leurs couleurs vives : perruches vertes, aras, perroquets violets à l’œil souligné de rouge, canards masqués Routoutou.
En ces lieux, *Un barrage aurait été édifié au déversoir, rehaussant le niveau d’eau du Grand Etang de quelques mètres, ainsi qu’un canal de décharge fermant la pièce d’eau au sud. Travail pénible qui aurait dit on été effectué par les esclaves du Comte de S…, lesquels auraient été contraints d’abattre une partie des Mornes Marie Galandais et Crête à Bambous autour de l’étang. Vers 1740, ce grand Seigneur propriétaire d’un vaste domaine fit édifier près de l’Etang Zombis une habitation si majestueuse, qu’on la nomma « Château ».
LA COMTESSE SACRIFIÉE
Ce propriétaire de noble lignée, fort riche, avait une épouse douce bienfaisante et très belle qui souhaitait améliorer les conditions de vie de leurs esclaves. En 1760, elle aurait trahi le Comte, en aidant les esclaves à s’enfuir. En représailles, le comte la fit jeter enchainée dans l’Etang Zombis, suite à ces faits, un incendie ravagea le château.
VESTIGES DU CHÂTEAU
De cette belle et riche demeure, on apercevait encore, avant la Grande Guerre et bien que dissimulé sous la végétation, un chemin dallé de pierres volcaniques. Au bout de cette trace, la nature exubérante ayant repris ses droits, il ne restait que quelques ruines, derniers témoins de l’histoire tragique et de la splendeur passée des lieux.
Depuis ce drame, des témoignages de chasseurs, promeneurs, braconniers ont traversé les siècles, tout comme ceux des pêcheurs qui longeaient l’Etang Zombis pour rejoindre le Grand Etang. La profusion de bambous leur fournissait la matière première servant à fabriquer des nasses, qu’ils plongeaient dans ces eaux regorgeant de délicieux ouassous, dont certains pouvaient avoisiner les cinquante centimètres. Tous ces hommes effrayés par ce qu’ils avaient vu affirmaient, souvent sous le manteau, (craignant d’être soupçonnés d’avoir abusé du rhum ou que leurs propos soient entendus de la Créature hantant les lieux), avoir aperçu, à l’heure dite entre chiens et loups et au lever du jour, une femme évanescente tout de blanc vêtue, les cheveux bruns dénoués balayant son visage. Elle déambulait, ou plutôt semblait flotter dans les airs, aux abords de l’Etang Zombis. *« Mais dès qu’on l’aperçoit, on tremble de peur et l’on croit qu’on va mourir »*.
Il s’agirait du fantôme de la belle et douce comtesse, noyée autrefois en ces eaux. Ne trouvant pas le repos, son âme erre, encore et encore. Sa promenade achevée, sa silhouette gracile s’efface au fur et à mesure qu’elle approche les ruines de sa demeure.
Si vous partez à la découverte des ruines du Château, sur les traces de cette tragique histoire, ne craignez pas de rencontrer la Comtesse à l’âme tourmentée qui appliqua les idées du Siècle des Lumières, mais priez pour qu’elle puisse enfin trouver le repos.
Texte & Photos : Angel St Benoit
Sources : * Le Boucher 1931
* C. Thionville « La Guadeloupe Touristique », d’après un témoignage recueilli en 1904.