Patates à Durand, un ancien « ilet », cerné par les ravines et tourné vers la mer
Pendant presque deux siècles, l’activité de la pêche et de la marine a façonné paysage et lien social dans le quartier « Patates à Durand » à Saint-Denis, dorénavant plus largement et communément appelé quartier du Butor.
Aujourd’hui, cases, logements sociaux, services publics, espaces dédiés à la culture se côtoient dans cette zone fortement urbanisée. La première trace visible d’un quartier habité dénommé alors « Patates à Durand » apparaît dans le recensement de 1892. Auparavant, le lieu était exclusivement tourné vers les activités maritimes.
Le quartier tire son nom de la ravine qui le borde à l’est, elle-même dénommée d’après la liane rampante qui pousse à profusion sur ses berges. Ce végétal était autrefois utilisé pour pratiquer la pêche. Un nom prédestiné pour cette zone à orientation maritime et aquacole.
Reportez-vous il y a deux siècles dans un large espace alluvionnaire, soumis aux caprices du delta des ravines Patates à Durand et Butor, totalement dédié à la pêche.
Durant 150 ans, le « chevelu » de Patates à Durand est d’abord et avant tout un territoire de pêche.
Au 19ème siècle, La Réunion ne dispose pas de structures portuaires. Le développement des activités sucrières, le transport du café et des vivres, l’importation de riz nécessitent des équipements de chargement adaptés. Les « marines », espaces aménagés en front de mer en vue du transbordement des navires, vont progressivement se développer. Les chaloupes des entreprises de Batelage assurent la communication des navires stationnés au large avec la passerelle.
Charles Richard, en 1860, obtient le droit d’établir un bureau de douane et de construire des magasins et une jetée entre les ravines du Butor et de Patates à Durand. L’installation officielle d’une marine marque une étape importante dans la structuration de cet espace et facilite la naissance du quartier.
A la fin du 19ème siècle, la Compagnie de Chemin de Fer et du Port, sous les coups de boutoir des propriétaires de marines qui s’étaient organisés pour lui faire une concurrence acharnée, fait faillite moins de 10 ans après sa constitution. La reprise en main de la Compagnie du Chemin de Fer et du Port par l’Etat, la substitution des voiliers par des navires à vapeur qui préfèrent la sécurité du Port aux rades dangereuses, vont finalement sonner le glas des marines au début du XXe siècle.
La marine Richard disparaît en 1890 mais l’activité artisanale de la pêche continue de faire vivre les familles du quartier Patates à Durand pendant encore un siècle. En 1920, un quart des familles vit de la pêche, la majorité restante se déclarant cultivateur ou sans profession.
Jusqu’en 1989 et l’arrivée du RMI, la pêche est au cœur du lien social du quartier. La recette de la pêche était jusqu’alors mise en commun et partagée à parts égales entre les différentes familles de pêcheurs du quartier. En quelques années, la pêche, socle des liens familiaux alors très forts existants dans le quartier, va progressivement disparaître.
Aujourd’hui, les filets de pêche entreposés sur le rivage ont disparu mais il reste encore des traces de l’ancienne marine. Sous l’impulsion de la Confrérie des Gens de la Mer, des recherches archéologiques ont permis la mise à jour, en 2017, d’une partie de l’enceinte de la marine Richard. Lors de votre prochaine promenade sur le sentier littoral, arrêtez-vous un instant pour humer l’air du passé et découvrir ce vestige à l’aplomb approximatif du gros banyan.
Texte : Marietta / Carpe Diem Presse
Remerciements :
Iconothèque Historique de l’Océan Indien
Confrérie des Gens de la Mer, www.cgm974.com