Entre terre et mer, Florence Bonnevie
Elle peint comme elle respire, parle en vers, chante la nature et de la terre fait surgir les vies. Florence Bonnevie, ou Flo en signature est une pluri-artiste accomplie, généreuse et talentueuse. C’est au cœur du village de la Poterie des Trois Ilets que nous l’avons débusquée….
Haute en couleur, la tête habillée d’un foulard chamarré, son rire déferle comme une vague le long des murs de son petit atelier, « pinceaux et mirettes », dans lequel elle s’est depuis peu installée. Une table, deux bancs, les mains dans l’argile elle transmet à Sarah sa passion pour la terre… Car « le bonheur ne vaut que s’il est partagé ».
L’art comme un vaste terrain de Je
Tout commence un peu comme dans un conte fantastique, il y a bien des années dans un village de l’autre côté de l’Atlantique. Une rencontre inattendue vient traverser sa vie.
Dans une petite échoppe trublionne et hors du temps, Jean Gérard Carrère, le Duffy bordelais, chuchote à son oreille : «vous avez ce qui est rare chez l’artiste : la divinité ! Travaillez, prenez de la peine, mais je vous prie ! peignez avec le cœur et sans mercantilisme. Portez haut ce supplément d’âme, dont le monde a besoin ». Forte de ce compliment Florence s’attelle à ces pinceaux. La mer est son terreau. Elle devient tour à tour les vagues, le vent, le ciel et ses nuages. La toile et elle ne font plus qu’un. Elle choisit l’huile qui requiert « Patience et longueur de temps font plus que force et rage ». Peu à peu le format s’allonge et la matière sculpte l’horizon. Debout devant son chevalet elle considère son œuvre…
Entre terre et mer…
Pourtant il semble manquer à son terrain d’expression le relief. C’est une des malices de l’existence qui lui ouvre alors de nouveaux horizons. Happée par sa vie professionnelle et familiale, Florence est brutalement immobilisée. Clouée dans un fauteuil roulant pendant plusieurs mois elle change de paradigme et se tourne vers la sculpture, mieux appropriée à cette soudaine posture, sous la houlette de son mentor Patrick Lesca. En s’adonnant à la terre, Première leçon: Tout est encore à apprendre. À force de patience, de travail, persévérance et grâce elle dessine enfin dans la matière ses émotions à travers une série de femmes offrant leur buste aux chapeaux, d’autres se dotant de petites ailes elfiques… Pour l’artiste, ces papillons d’argile deviennent autant de représentations des êtres en éternelle construction toujours avide de s’envoler à la rencontre de soi et des autres. C’est donc tout naturellement que Florence pose ses valises dans une Martinique qu’elle avait connu par le passé et si bien ressentie pour sa période marine. Et comme le hasard n’existe pas, il était comme une évidence de s’installer dans le cœur rouge de la poterie des trois ilets pour poursuivre sa quête initiatique. Ici ’Flo est au centre des quatre éléments indissociables de l’œuvre. La terre rouge, blanche, chamotte… l’eau pour l’assouplir, l’air pour la sécher avant l’épreuve du feu.
Un hommage tellurique
Ces quatre forces font également la singularité de cette ile sulfureuse et volcanique : la Martinique. Et comme pour lui rendre hommage et la remercier de si bien l’accueillir, elle se fond dans de nouveaux desseins. Ses doigts se plantent dans la l’argile, la caressent, lui donne forme. Elle parle à la terre d’où surgit la vie. La magie opère vibrante restitue à Flo. Bonnevie toute son énergie.
De ses mains habiles alors Cyparis renait de ses cendres dans un buste grandeur nature. Fragment d’histoire de de la pelée, dans sont plus simple appareil, un côté calciné attaché au passé et l’autre ouvert comme pour se souvenir du pays d’où il fut arraché. Puis comme sortie de la terre rouge de la poterie, des bustes à taille humaine qui rendent en hommage à ces femmes debout, fortes et belles de la Caraïbe, au regard hypnotique.
Bientôt, « si les étoiles s’alignent », précise l’artiste, une prochaine exposition itinérante de ces femmes créoles (sur fond de déambulation artistique) diffusera avec force et matière la singularité dont ces femmes « pluriethniques » sont si bien habitées.
Texte et Photos : Corinne Daunar