La Martinique et le secret de ses fonds marins

par Megane

La Martinique et le secret de ses fonds marins

Si la Martinique émeraude se révèle sans beaucoup d’ambages, et offre à flanc de coteau et vertige de mornes un dégradé végétal des plus lumineux, il en est une autre qui cultive le secret et engloutit ses richesses. Aux hauteurs vaporeuses du Nord aux plaines craquelées du Sud de l’île répondent des eaux autrement plus vertigineux et composite. Mais que se cache donc sous les fonds marins cristallins de la Martinique aquatique?

Des vestiges immémoriaux 

Si l’exploration des fonds Marins de la Martinique porte autant de fantasmes, c’est que le plancher océanique semble vouloir conter, sous une lourde couche de limon et sédiments, les différents épisodes du feuilleton de l’île. Pour qui prend le temps de chercher, canons, boulets, ancres et souvenirs de timons, mats et entreponts de navires émaillent les fonds et marquent les dangers de la mer, qu’aucun siècle n’aura adouci. L’inventaire est riche, et donne parfois même à plonger au creux du quotidien précolombien des premiers occupants de l’île.

Il y a aussi ces cimetières immenses, imposés, marqués au feu : la rade de Saint-Pierre et sa dizaine d’épaves, échouées là par la morsure aveugle de la Pelée éruptée. Elles font le ravissement des explorateurs des temps modernes, qui plongent encylindrés à la conquête de ces pourfendeurs immergés. Ses plus iconiques vaisseaux, le Roraima, le Tamaya, marquent la splendeur perdue de toute une ville-capitale, à plusieurs dizaines de mètres de profondeur.

Plus cocasse, certaines de ces épaves détonnent, au-devant desquelles le drôle de profil échancré du Sirkosky S43B, un petit hydravion commercial de la Panam’ qui se sera abîmé par gros temps en baie des Flamands, au détour des années 1960. Vers Dufour, plus au Sud, c’est le Nahoon, majestueux trois mâts centenaire, qui poursuit une vie dissolue au creux de l’Anse Dufour, pour le plus grand plaisir des plongeurs et des murènes.

Un régal de l’œil

La Martinique sous-marine, c’est donc la surprise unique de grands jardins marins, de failles gloutonnes, de grottes inondées et de barrières soulevées par les ondes. Et pour découvrir ces fonds marins d’une intense et grouillante activité, il n’est pas toujours nécessaire de se tremper ! A Saint-Pierre toujours, d’aucuns pourraient affirmer apercevoir, depuis la berge et les yeux plissés, la Manman Dlo de Valère, gardienne des lieux, art monumental et aquatique, posée là par quelques mètres de fonds.

Fut un temps, c’est même à bord d’un drôle de petit engin, un sous-marin tout ce qu’il y a de plus insubmersible que l’on s’offrait une vue unique sur les épaves. Le Mobilis, du haut de ses 120 tonnes de métal et grands hublots concaves, a entrepris, de 1994 à 1998, de découper au faisceau l’encre taiseuse de la baie de Saint-Pierre. Si sa destinée s’est ensuite voulue maldivienne, l’exploration sous-marine est restée dans les cœurs : à une longueur d’ile plus au Sud, c’est au Marin que l’Aquabulle maintien ce flambeau de l’exploration au sec. Sa bombance vitrée offre un singulier panorama des fonds marins de ce renflement de Caraïbe, au calme de sa cabine immergée.

Des fonds marins des plus demandés

Les fonds marins de la Martinique d’une richesse rare, sont aussi le point de rencontre d’une pétulante activité, qui rejoue en hydrophonie la grouillante économie de la terre : rare, en bordure de côte, de ne pas rencontrer une nasse ou un casier, que de trop curieux visiteurs choisissent comme dernier domicile. Un peu plus au large, les DCP aussi, ces dispositifs de concentration des poissons, modèlent différemment les premiers miles de bleu, où ils recréent, sur des dispositifs artificiels, d’entiers écosystème.

Parfois, au-devant des côtes de plus grosse effervescence, les fonds deviennent industrieux : là, on le creuse pour laisser la place au ventre bombé des grands tirants d’eau. Ici, c’est un épais câble de communication qui s’élance au loin, connectant l’île à ses voisines via des réseaux de très haut débit. Plus loin, ce sont des « émissaires en mer » qui diluent les eaux grises des villes. L’île et le monde du dessus s’invitent bien volontiers aux creux des fonds.

Et sous cette intense pression, où la terre ne manque de grignoter la mer, la gestion soutenable s’organise : les fonds se regroupent désormais sous le patronage du Parc Naturel Marin de la Martinique, qui, jusqu’à loin au grand large, protège et accompagne désormais toutes les cohabitations au creux la ZEE de l’île. Son objectif, tendre vers l’osmose des pratiques, dans une rencontre harmonieuse entre les mondes, terrestres, marins et humains !

Texte : Corinne Daunar

Crédit photo H.Barreda

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