Il n’est de société sans transmission des savoirs. C’est dans le temps long que se bâtit l’identité et s’affirment ses complexités, ses différents éclats, ses délicatesses forgées dans les us. Dans le monde de la recherche, c’est aussi là la clé d’une pensée mature et assagie : l’enseignement supérieur en Martinique s’épanouit dans ce crédo, où il érige, par briques hétéroclites, les temples de connaissance.
Une histoire de l’enseignement
La maturation de l’université des Antilles fait office d’un lent cheminement, dont l’on fixe à la fin du XIXe siècle la pierre fondatrice en Martinique. En 1883, une première proposition d’instruction apparait, un décret y installant une école préparatoire au droit dédiée aux aspirants juristes de l’île. Sur ces bases, il faut cependant attendre longuement, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale et de la départementalisation pour voir s’accélérer le déploiement, au local, des Centres d’Enseignement Supérieur spécialisés, quoiqu’encore juridiquement dépendant de la faculté de Bordeaux.
En 1970 ; l’autonomisation se poursuit avec la transformation de ces campus en un unique Centre Universitaire des Antilles et de la Guyane, indépendant financièrement et compétent sur les trois territoires. La dernière étape fondamentale, qui consacre l’existence d’un établissement régional et sa continuité morale entre ses pôles, intervient en 1982, où il devient une faculté de plein exercice, notamment dans la délivrance de ses diplômes et la définition de sa stratégie éducative.
Le bouillonnement intellectuel
L’aboutissement concret de ce grand mouvement, ce sont ces efforts majeurs de construction à partir de 1972 pour enfin accueillir en deux enceintes, sur chaque île, les nouvelles cohortes estudiantines. En Martinique, c’est sur un vaste espace de 23 hectares que s’érigent le campus et ses annexes. Dans le même mouvement, les œuvres universitaires, qui seront territorialisées dans le courant des années 1980’, accompagnent la sortie de terre des iconiques tours de Terreville, qui constituent au sommet de ce morne la ruche des tous les jeunes apprenants.
L’Université représente un ensemble puissant, qui de couvrir les trois départements frères, Martinique, Guyane et Guadeloupe, s’en recentre sur les deux îles depuis 2015 pour former l’Université des Antilles (UA). À la Martinique, ce sera le développement plus profond encore d’Humanités, où plusieurs chaires s’y cristallisent. Aujourd’hui, c’est sans doute elle qui trace le plus précisément le contour de l’enseignement supérieur local. Son histoire récente est rebondie, gonflée des destinées politiques qui entrainent parfois le patrimoine construit. Finalement, c’est là une caractéristique intrinsèquement liée à l’identité que le bâti universitaire abrite : il est en mouvement permanent, tout en ajout, recomposition, modernisation, réhabilitation, questionnement et enrichissement.
Les marqueurs bâtis
Dans ces grands ensembles, ce qui interpelle souvent, c’est la capacité de renouvellement, la constante mise en travaux des parcelles à dispositions ou des bâtis les plus vieillissants. L’UA crée et compose dans ce paysage modulaire : sur le campus de Camp Jacob, en Guadeloupe, c’est une audacieuse proposition qui entre dans les murs finement rénovés de l’ancien hôpital colonial. Au détour de la dernière décennie, en Martinique, c’est l’extension de la bibliothèque universitaire, éthéré cube d’acier et de béton, qui propulse dans ce monde du ciment-roi le souffle avant-gardiste du nouveau courant de l’architecture publique martiniquaise.
Mais, bien au-delà de l’université, les marques de ces études supérieures se lisent aussi sur le reste l’île, dans un patrimoine composite : elles s’impriment autant dans les historiques travées du Lycée Bellevue quand dans la perspective vaporeuse et résolument moderne des établissements plus récents, comme celui du lycée Centre Sud, accueille des classes préparatoires aux grandes écoles. Les mêmes murs, et d’autres encore, se dédient aux brevets post-baccalauréats. Dans ces espaces nombreux se dessinent les différents flux d’un unique mouvement : le renouvellement de la pensée critique et du savoir, précautionneusement abrité dans une variété de bâti.